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L’épave | The derelict | ||
J’en appelle à Bacchus! À Bacchus j’en appelle! Le tavernier du coin vient d’me la bailler belle. De son établiss’ment j’étais l’meilleur pilier. Quand j’eus bu tous mes sous, il me mit à la porte En disant : « Les poivrots, le diable les emporte! » Ça n’fait rien, il y a des bistrots bien singuliers… Un certain va-nu-pieds qui passe et me trouve ivre Mort, croyant tout de bon que j’ai cessé de vivre (Vous auriez fait pareil), s’en prit à mes souliers. Pauvre homme! vu l’état piteux de mes godasses, Je dout’ qu’il trouve avec son chemin de Damas-se. Ça n’fait rien, il y a des passants bien singuliers… Un étudiant miteux s’en prit à ma liquette Qui, à la faveur d’la nuit lui avait paru coquette, Mais en plein jour ses yeux ont dû se dessiller. Je l’plains de tout mon cœur, pauvre enfant, s’il l’a mise, Vu que, d’un homme heureux, c’était loin d’êtr’ la ch’mise. Ça n’fait rien, y a des étudiants bien singuliers… La femm’ d’un ouvrier s’en prit à ma culotte. « Pas ça, madam’, pas ça, mille et un coups de bottes Ont tant usé le fond que, si vous essayiez D’la mettre à votr’ mari, bientôt, je vous en fiche Mon billet, il aurait du verglas sur les miches. » Ça n’fait rien, il y a des ménages bien singuliers… Et j’étais là, tout nu, sur le bord du trottoir-e Exhibant, malgré moi, mes humbles génitoires. Une petit’ vertu rentrant de travailler, Elle qui, chaque soir, en voyait un’ douzaine, Courut dire aux agents: « J’ai vu que’qu’ chos’ d’obscène! » Ça n’fait rien, il y a des tapins bien singuliers… Le r’présentant d’la loi vint, d’un pas débonnaire. Sitôt qu’il m’aperçut il s’écria: « Tonnerre! On est en plein hiver et si vous vous geliez! » Et de peur que j’n’attrape une fluxion d’poitrine, Le bougre, il me couvrit avec sa pèlerine. Ça n’fait rien, il y a des flics bien singuliers… Et depuis ce jour-là, moi, le fier, le bravache, Moi, dont le cri de guerr’ fut toujours « Mort aux vaches! » Plus une seule fois je n’ai pu le brailler. J’essaye bien encor, mais ma langue honteuse Retombe lourdement dans ma bouche pâteuse. Ça n’fait rien, nous vivons un temps bien singulier… |
I appeal to Bacchus! It is to Bacchus that I appeal! The innkeeper at the corner played a trick on me. I was the supporting pillar of his establishment When I had drunk all my money he showed me the door Saying: «Drunks, the devil take them!» Never mind, there are taverns quite peculiar… A certain vagabond passes by and finds me drunk Like dead, and really believing I am no longer alive (You would have thought the same) made off with my shoes. Poor fellow! Considering the pitiful state of my clodhoppers I doubt they’ll help him find his way to Damascus. Never mind, there are passers-by quite peculiar… A shabby looking student made off with my shirt That, thanks to the darkness, looked pretty to him, But the light of day must have opened his eyes. Poor kid, I feel sorry for him if he put it on, It was from being the shirt of a happy man. Never mind, there are students quite peculiar… A worker’s wife made off with my pants. «Not those, madam, not those!» A thousand and one boot tips Have worn their seat so much that if you tried To fit them on your husband I bet my last cent He would get ice on his rear end. Never mind, there are households quite peculiar… And there I was stark naked, on the edge of the pavement Exposing, in spite of myself, my humble genitals. A street walker coming back from work, Who sees a dozen of them every night, Ran to tell a cop she had seen something obscene! Never mind, there are hookers quite peculiar… The guardian of the law came calmly by. And as soon as he caught sight of me he said «Good grief! We are in the middle of winter, you may freeze!» And to keep me from catching a double pneumonia, The fellow, he covered me with his heavy cloak. Never mind, there are cops quite peculiar… And since that day I, the proud and the brazen, I, whose war cry had always been «Death to the pigs!» I could no longer cry it a single time. I still try, but my tongue with shame Falls back in my mouth in a knot. Never mind, we live in times quite peculiar… |